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Une géomorphologie, des paysages

Un système géomorphologique organisé autour du massif du Canigó

La silhouette actuelle du Canigó est le fruit d’un lent processus géologique et géomorphologique alternant des phases de soulèvement et des phases d’érosion initiées il y a près de 10 millions d’années.

Partant d’une vaste surface plane, proche du niveau de la mer et ameublie par le climat tropical du Miocène, le soulèvement consécutif au plissement alpin a porté en altitude les espaces correspondant au massif et à ses bordures actuelles. Au cours de cette surrection, se sont ouverts des fossés - dont les vallées de la Têt et du Tech sont les plus représentatives - et des surfaces planes (telles que le Pla Guillem) sont remontées en altitude. La croissance du Canigó a été lente et relativement régulière jusqu’à la fin du tertiaire avant de s’accélérer au début du quaternaire pour former par endroit des gorges telles que celles de la Fou.

En prenant de la hauteur, le massif du Canigó a été impacté par les effets du froid et de la neige (« glacier » du Canigó ou de la Parcigola,…), qui, combinés à l’action érosive de l’eau, ont progressivement sculpté le paysage actuel.

A cette échelle, le patrimoine géologique est extrêmement riche, englobant tous les objets et sites symbolisant la mémoire de la Terre, depuis l’échantillon jusqu’aux phénomènes géologiques : plateaux d’altitude, gorges, canyons, grottes, cavités, chaos, cheminées de fées, mines, minéraux, etc.

Bloc diagramme des entités paysagères composant le Canigó - 3

Lecture paysagère du territoire

Le système géomorphologique s’organise autour des quatre principales entités paysagères détaillées ci-après que sont le massif, les vallées, les balcons et le piémont.

Le massif du Canigó constitue une entité géographique homogène et remarquable caractérisée par deux régions biogéographiques : alpine et méditerranéenne. Sa position géographique et son gradient altitudinal permettent un étagement de la végétation important et une gamme variée d’habitats naturels. Ses crêtes sommitales, aux sommets culminant à plus de 2500 mètres d’altitude1, séparent les deux versants nord et sud du massif. Lui-même est constitué de sous-vallées permettant l’accès depuis les vallées de la Tet et du Tech où paysages ouverts et encaissés alternent avec canyons et plateaux d’altitude. La vie locale et les villages sont nombreux et dynamiques, reposant sur une occupation très ancienne liée à l’exploitation du minerai de fer notamment.

1D’est en ouest : Crète du Barbet (2712 m), Serra del Roc Negre (2714 m), Serra dels Set Homes (2621 m), Esquerdes de Rotjà (2507 m)

Le massif vu de la mer  / Michel CASTILLO-CD66

Les deux vallées de la Têt au nord-ouest et du Tech au sud-est, sont par ailleurs le lit de deux des trois principaux fleuves du département.

La vallée de la Têt, dont le fleuve prend sa source au pied du Carlit entre Capcir et Cerdagne, traverse d’ouest en est le Conflent puis le Rosselló jusqu’à son embouchure dans la mer Méditerranée. Grâce à la richesse de ses sols et à la présence de l’eau, la vallée de la Têt accueille les paysages agricoles du Canigó : arboriculture, maraîchage, viticulture. Ces paysages emblématiques alliant espaces cultivés et habités sont le support de l’économie locale et là où se concentrent les plus gros bourgs du territoire (Prades, Vinça, Ille-sur-Têt…).

Vue de la vallée de la Tet / Michel CASTILLO-CD66

La vallée du Tech est la plus méridionale de la France continentale. Le Tech prend sa source entre le Roc Colom et le Pic du Costabona, à 2345 m d’altitude sur la commune de Prats-de-Molló-la-Preste. Il s’écoule en Vallespir puis dans la plaine du Rosselló avant d’atteindre la mer Méditerranée. Beaucoup plus étroite et soumise à un climat assez pluvieux, la vallée du Tech est essentiellement forestière. La culture industrielle (fer, textile, bois, …) y est très présente et l’économie locale se fonde sur des savoir-faire ancestraux.

 

Vue de la vallée du Tec / Michel CASTILLO-CD66

Les balcons nord et sud qui, de part et d’autre de chacune de ces vallées, font écho au massif avec des villages belvédères et offrent des points de vue remarquables à des altitudes plus basses (< 1500 m). Avec des paysages principalement ouverts grâce à une végétation plutôt basse, les perspectives et les panoramas font la notoriété des balcons nord s’étalant de Força Réal au Pic de Bau (versant nord) et des balcons sud dominant la frontière espagnole entre le Roc de Frausa et le Costabona. De nombreux petits villages de caractère, ayant préservé une esthétique et une cohérence locale, ponctuent ces lignes panoramiques (Eus, Marcèvol, Bélesta, Coustouges, Saint-Laurent-de-Cerdans,…). Peu étendus et peuplés, ils sont le support d’un patrimoine, d’une culture, de savoir-faire et d’une gastronomie locale de qualité.

Vue des balcons du Tech / Michel CASTILLO-CD66
Vue des balcons de la Tet, village d'Eus / Michel CASTILLO-CD66

Le piémont des Aspres, massif méditerranéen de transition entre la plaine et la montagne, forme un ensemble de collines boisées, peu peuplées. Résultant de l’accumulation de matériaux détritiques, il s’étage de 100 à 1347 mètres d’altitude (montagne Santa Anna dels Quatre Termes) et s’organise en deux parties articulées :

  • sur sa première moitié, de Thuir au versant oriental du Mont Helena (776 m) et du Montner (782 m) avec une organisation Est – Ouest dominant la plaine du Roussillon,
  • sur sa deuxième moitié par deux vallées orientées Nord / Sud, celle du Boulès (affluent de la Tet) et celle de la Ribera Ample (affluent du Tech).

La limite occidentale des Aspres étant marquée par la montagne Santa Anna dels quatre Termes et la Tour de Batera.

Le piémont se caractérise par sa dépendance économique et visuelle aux vallées de la Tet et du Tech et à la plaine du Rosselló. En raison d'étés très secs et d'hivers doux, les productions agricoles et viticoles marquent les paysages depuis plusieurs générations bien qu’aujourd’hui, maquis et chêne liège couvrent l’essentiel des sols, rendus très vulnérables aux incendies2. Les villages sont de petite taille et ont gardé leur caractère rural et patrimonial du fait de l’isolement et d’une accessibilité laborieuse.

2En juillet 1976, un terrible incendie ravageait 15 000 ha dans les Aspres.

Vue du piémont du massif, montagne Santa Anna / SMCGS

Les paysages de ces quatre entités sont particulièrement reconnus, avec une grande densité de sites inscrits ou classés.

Dynamiques paysagères à l’œuvre

Au cours du XXe siècle, le territoire a muté progressivement d’un espace productif vécu, façonné et travaillé à un paysage habité et « consommé ». La fermeture des mines et la déprise agricole, considérablement accélérées par les deux guerres mondiales et l’Aïguat de 1940, ont drastiquement réduit la pression pastorale, agricole, forestière et industrielle sur l’ensemble des versants et vallées du territoire.

Couplée à une mise en tourisme progressive, à l’essor d’une société de loisirs et aux politiques économiques de développement, la consommation d’espaces naturels et agricoles au profit de l’urbanisation a connu une accélération sensible depuis 30 ans.

Batera 1950 / SMCGS
Le refuge de Batera en 2015 / Michel CASTILLO-CD66
Batera 2015 / CASTILLO
Batera 2015 / Michel CASTILLO-CD66

Au regard du contexte topographique, deux grandes dynamiques desquelles découlent l’équilibre des paysages, sont à l‘œuvre sur le territoire :

Sur les zones d’altitude ou des balcons, la dynamique naturelle est la fermeture des milieux (forêt) face à la dynamique agricole de maintien des milieux ouverts (pâturés ou cultivés). Au regard de la pression agricole de ces dernières décennies, ce rapport de force implique une fermeture progressive des milieux rendant complexe le maintien de l’activité pastorale ou viticole et augmentant la vulnérabilité du territoire au risque incendie. Par ailleurs, ces espaces abandonnés sont aujourd’hui prisés pour le développement de projets énergétiques.

Dans l’ensemble des vallées, avec plus ou moins d’intensité selon qu’il s’agit de vallées principales ou secondaires, la dynamique agricole fait face à la pression anthropique (habitat, activité économique, infrastructures…). Dans un contexte économique contraint (arboriculture, viticulture, oléiculture,…), la tache urbaine est en croissance permanente générant des prises de conscience récentes quant à l’opportunité d’une réflexion intercommunale de l’urbanisme (en Conflent notamment).

Carte occupation des sols du GSF / SMCGS-COLOCO